ARRET COUR DE CASSATION DU DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU 2 OCTOBRE 2024 , n° 22-20.990

Qu’est-ce qu’un plan d’épargne retraite (per)  ? 

Il s’agit d’un produit financier par capitalisation dont l’objectif est d’apporter un revenu régulier au cotisant à compter de sa retraite ; 

Il y a lieu de distinguer la nature du bien PER et ensuite d’envisager le droit à récompense.

En effet, le contrat de retraite complémentaire est un bien propre par nature aux termes de l’article 1401 du code civil (cass.1ère civil. 30 avril 2014, n°12-21.484).

  • il importe peu que la souscription du PER ait été obligatoire ou non.

Par conséquent, il n’a pas à figurer dans l’actif de communauté.

Mais et c’est là L’erreur de la Cour d’appel de ROUEN, il ne faut pas s’en arrêter là : 

Affirmer qu’un bien est propre par nature et n’a pas à figurer dans un actif de communauté , ne veut pas dire qu’il échappe complètement à la liquidation du régime matrimonial (pour les besoins de la cause ici le régime de la communauté légale).

En effet, cela serait faire fi du jeux des récompenses entre les patrimoines commun et propres des époux.

Pour rappel, l’article 1437 du Code civil prévoit que toutes les fois qu’un époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense selon les modalités prévues par l’article 1469 du code civil. 

Aussi lorsqu’un époux prend des fonds communs pour alimenter un plan d’épargne retraite,  la Cour de Cassation considère que si la rente constituée est réversible sur la tête du conjoint, elle ne génère pas de droit à une récompense ; en revanche en l’absence de réversion, une récompense est due par l’époux souscripteur à la communauté.

Sauf pour la partie obligatoire du PER, car dans ce cas la doctrine majoritaire considère que l’épargne obligatoire constituée au titre du PER ne génère pas de droit à récompense au profit de la communauté : il faut donc bien distinguer l’épargne obligatoire, non soumise à récompense du reste de l’épargne non obligatoire constituant le PER et soumise à récompense.

Pour l’examen de la récompense, il y a aussi lieu de distinguer si le contrat prévoyait ou non de réversion au profit du conjoint survivant.

  • Soit le PER ne prévoit pas de réversibilité au profit du conjoint survivant et donc une récompense est due à la communauté 

La récompense est équivalente au montant total des cotisations payées avec des deniers communs.

Il s’agit d’une dette personnelle de l’époux qui a été acquittée par la communauté (article 1437 du code civil)

  • Soit le PER prévoit une réversibilité au profit du conjoint survivant en cas de décès du souscripteur et cela s’apparente à une opération de prévoyance sans jeux de récompenses au jour de la liquidation du régime matrimonial mais il faut faire attention à la clause de réversion en désignant nommément le nom de l’époux car à défaut  le divorce lui fera perdre la qualité de conjoint survivant…

Cependant, cette distinction reste critiquable car le principe de l’existence d’une récompense s’impose nécessairement dans la mesure où le souscripteur décide de lui-même des modalités de déblocage du PER ; il serait inique et injuste que la communauté n’ait pas droit à récompense , sur le fondement de l’article 1437 du code civil, à raison des primes payées pour un contrat qui prendra nécessairement  fin au profit du souscripteur soit au moment de sa retraite soit au moment de son décès ; 

La Cour d’Appel de POITIERS a rendu 5 arrêts d’une très haute importance en matière de violence intra-familiale.

Les 5 décisions ayant conduit aux arrêts énoncés sont :

  • TJ LA ROCHELLE, chambre correctionnelle du 11 mai 2023
  • TJ LA ROCHELLE, chambre correctionnelle du 8 avril 2021
  • TJ SAINTES, chambre correctionnelle du 11 avril 2023
  • TJ NIORT, chambre correctionnelle du 2 décembre 2021
  • TJ LA ROCHE SUR YON, chambre correctionnelle du 22 juillet 2021

La Cour d’Appel de POITIERS est entrée en voie de condamnation dans ces 5 arrêts pris le même jour par sa chambre correctionnelle le 31 janvier 2024.

Elle a fait œuvre de pédagogie qu’il convient de détailler pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents des violences conjugales.

La notion de contrôle coercitif avait été théorisée par le sociologue américain Evan Stark qu’il qualifie de « crime de liberté » car il s’agit bien de cela : ôter la liberté de la personne que l’auteur de violences dit aimer.

Toujours selon cet auteur, la coercition désigne « le recours à la force ou aux menaces » et le contrôle recouvre « les formes structurelles de privation qui contraignent indirectement à l’obéissance en monopolisant les ressources vitales, dictent les choix préférés, micro-régulent le comportement de la partenaire, limitent ses options et la privent des soutiens nécessaires pour exercer un jugement indépendant »

La notion de contrôle coercitif , objective, s’intéresse au mode de fonctionnement de l’auteur des violences alors que la notion d’emprise, plus subjective, s’intéresse à la victime elle-même.

Je ne peux pas faire l’économie de citer les termes extrêmement précis de la Cour d’Appel de Poitiers qui, à mon avis, nous donnent à nous praticiens , des clés pour mieux cerner ce principe du contrôle coercitif de l’auteur sur sa victime ;

« les agissements de M(..) sont divers et cumulés. Pris isolément, ils peuvent être relativisés. Identifiés, listés et mis en cohérence, ils forment un ensemble ; les outils du contrôle coercitif. Ils visent à piéger sa femme dans une relation où elle doit obéissance et soumission à un individu qui s’érige en maître du domicile et du fonctionnement familial.

Ces actes ne peuvent s’expliquer que comme le résultat d’inconduites individuelles : frustration, colère, alcoolisation, désocialisation, déséquilibre psychologique ou maladie mentale, manque de maîtrise des émotions. Ils s’inscrivent dans un mécanisme collectif et historique d’inégalités structurelles entre les femmes et les hommes et leur manifestations dans le couple et la famille (….)Le tout vise à contrôler, minorer, isoler, dévaloriser, capter , fatiguer, dénigrer, contraindre.

(…) La violence physique n’est que la partie la plus visible de cet échafaudage de comportements. Le contrôle coercitif est permanent et cumulatif. Ce schéma de conduite est calculé et déployé pour contrôler la vie des femmes. Il fait peser un danger sur la femme et un risque indissociable sur l’intégrité psychologique et physique des enfants (…)

Le contrôle coercitif est une atteinte aux droits humains, en ce qu’il empêche les victimes de jouir de leurs droits fondamentaux comme la liberté d’aller et venir , de s’exprimer, de penser, d’entretenir des liens familiaux ».

Il convient de rappeler les 4 cycles existants dans les violences conjugales :

  • La période de tension : du côté de l’auteur cela se manifeste par de la colère et/ou des silences et du côté de la victime par de la peur
  • La période du passage à l’acte violent : il s’agit de l’agression 
  • La période de la justification : minimisation des faits, excuses, promesses d’un meilleur avenir, faute de la victime
  • La période de rémission ou « lune de miel » où l’auteur et la victime semblent de nouveau en phase

Les professionnels du droit ont été formé sur ces 4 cycles car il fut un temps où un policier ne croyait pas une victime qui changeait d’avis ; il y avait les « bonnes «  et les « mauvaises «  victimes ; celles qui pleurent et sont en colère et celles qui semblent hésitantes comme si elles avaient leur part de responsabilité dans ce qui leur arrivait.

Or, ces « mauvaises «  victimes étaient tout simplement en phase de rémission et de « lune de miel » mais la phase de tension allait repartir engendrant ensuite une énième agression.

Les violences sont de différents ordres :

  • Les violences physiques
  • Les violences psychologiques
  • Les violences verbales
  • Les violences sexuelles
  • Les violences économiques et/ou administratives (non accès aux comptes bancaires, confiscation des chéquiers ou cartes bancaires , rétention de documents administratifs comme carte d’identité ou passeport etc..)

Enfin, une interrogation subsiste à la lecture de ces arrêts :

  • Est-ce qu’un mari violent peut être un bon père ? il a déjà été tranché que les violences conjugales « en présence des enfants » constitue une circonstance aggravante et que  l’exercice de l’autorité parentale reste une « arme » pour un mari violent en cours de séparation ou de divorce pour maintenir son contrôle coercitif sur celle qui n’est plus sa compagne ou sa femme mais encore la mère de leurs enfants ;
  • une loi récente institue un retrait obligatoire de l’autorité parentale (ou de l’exercice de l’autorité parentale) en cas de crimes sur l’autre parent mais il n y a toujours aucun retrait obligatoire de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du conjoint violent, en cas de violences conjugales même en cas d’ITT supérieure à 8 jours, et alors que l’enfant aurait assisté aux faits ; il existe dans ce cas précis uniquement une possibilité d’ordonner le retrait de l’exercice de l’autorité parentale mais aucune obligation.